4.10.23

Portrait de Nicholas Randall

Lead Scientist et Product Manager chez Anton Paar Enseigne à la Fondation suisse pour la recherche en microtechnique Né en 1971 Habite à Neuchâtel

Parcours en bref

Né à Birmingham, UK, Nicholas grandit et étudie en Angleterre, pays d’origine de son père horloger. Il remet les pieds sur sol suisse lors de ses premiers stages professionnels, à l’Institut de Métallurgie Structurale de l’Université de Neuchâtel, puis au CSEM. Il travaille alors avec des microscopes à force atomique, inventés au milieu des années 80. Afin d’approfondir les connaissances dans ce domaine, le CSEM lui propose une place de doctorant afin de développer une nouvelle machine combinant microscopie atomique et indentation, cette dernière technique consistant à enfoncer avec une force connue, une pointe pyramidale en diamant dans la matière pour définir sa dureté ainsi que son module élastique.

En 1999, les activités d’instrumentation du CSEM sont regroupées dans une spin-off nommée CSM Instruments. Afin de la faire grandir, Nicholas est chargé en 2002 d’ouvrir une succursale à Boston, USA. Il change alors son fusil d’épaule, passant de l’approche scientifique à une approche industrielle, car tout est à mettre en place : logistique, marketing, connaissance clients, ventes. Après cinq ans, la succursale américaine emploie sept personnes et réalise un chiffre d’affaire de trois millions. En 2011, il rentre en Suisse avec sa famille et contribue au rachat de CSM Instruments par l’entreprise Anton Paar, pour laquelle il travaille depuis quatre ans en tant que Lead Scientist et Product Manager. Interview

Votre profil est un subtil mélange entre compétences scientifiques et industrielles. Comment avez-vous réussi à mêler les deux ?

Dans une petite structure telle que CSM Instruments, il fallait être capable de tout faire. Créer la succursale américaine m’a permis d’acquérir une approche pragmatique, basée sur les besoins de mes clients. Par ailleurs, mon PhD me donnait la crédibilité nécessaire pour entrer dans les universités américaines, puis me permettait de publier avec elles  de nouvelles applications de nos instruments. À force de collaborer avec les universités, il m’a été proposé de donner des cours de formation continue. Lors de ces derniers, notamment en tribologie, j’ai été confronté aux challenges concrets des ingénieurs chargés de réaliser des tests matériaux. J’ai pu alors solliciter mes connaissances scientifiques, tout en les confrontant aux réalités que j’ai pu expérimenter sur le terrain.

Je suis toujours impressionné par la motivation des professionnels qui assistent à mes  cours. Ce qui est confirmé par le fait que chaque année, certaines entreprises continuent d’envoyer des ingénieurs . En effet, ces jours passés hors de l’entreprise leur permettent de prendre de la hauteur face aux réalités quotidiennes de leur entreprise.

Cette année, à la FSRM, vous enseignerez un tout nouveau cours : introduction à la tribologie. Pourquoi cette discipline est importante pour la région neuchâteloise ?

La tribologie, issue du mot grecque « tribos » qui veut dire frottement, est la science des interactions entre les surfaces, que ce soit l’analyse des frottements existants, l’usure ou l’utilisation de lubrifiants pour diminuer ces derniers. Cette discipline a été développée dans les années 1960s en Angleterre lorsque le gouvernement a réalisé que les pertes industrielles engendrées par ces frottements coûtaient des milliards de livres au pays.

La tribologie est un sujet vaste et multidisciplinaire : il peut être appréhendé du point de vue de la chimie, de la mécanique, de la physique. Dans ces cours, il faut que les divers profils professionnels comprennent la tribologie globalement. Ensuite, nous résolvons ensemble des problèmes concrets.

Dans le canton, de nombreux domaines comme la microélectronique, l’horlogerie, les technologies spatiales ou le médical sont impactés par ces frottements. Ils peuvent avoir lieu à l’échelle macro, mais également nanométrique. Prenons l'exemple, dans l'industrie biomédicale, d'une lentille de contact sur l'œil. Le frottement entre la lentille et la surface de la cornée peut causer des sensations désagréables, surtout lorsque l'œil est sec et donc l'interface male lubrifiée. En ajoutant un revêtement sur la lentille, il est possible d’optimiser le confort de l’utilisateur.

Autre exemple dans le domaine automobile : aujourd’hui le seul moyen d’augmenter le rendement passe par la diminution des frottements. Ceci peut être aussi simple que l’application d’un revêtement à faible coefficient de frottement sur une surface, l’amélioration du lubrifiant dans une interface coulissante, ou la réduction d’usure en modifiant le design du système.

Que pensez-vous de l’écosystème d’innovation neuchâtelois ?

En Suisse, nous avons tellement d’idées, de ressources, tout cela dans un minuscule périmètre. Neuchâtel est vraiment un « One stop shop »  où il est possible de faire de la recherche, de développer une idée, de réaliser un prototype pour en démontrer la faisabilité etc. Par contre, l’étape de commercialisation est encore difficilement franchie. Je pense que le pôle d’innovation Microcity a un rôle important à jouer de ce côté-là.
Ceci dit, en 20 ans, Neuchâtel a énormément évolué et se vend beaucoup mieux, c’est stimulant. Je pense que le networking informel pourrait être encore renforcé : se rencontrer autour d’un café chaque semaine, augmenter les espaces de coworking. Cela passe notamment par l’abandon de la culture du secret.

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