Portrait de Nuria Pazos
Professeure HES à la HE-Arc Ingénierie Responsable du groupe Systèmes Informatiques Embarqués Née en 1973 Habite à Neuchâtel
Nuria Pazos est née à Madrid. Elle étudie à l’école polytechnique de la capitale et devient ingénieure industrielle. Après quelques stages et une année d’expérience professionnelle, elle se rend en 1998 à Münich pour son doctorat où elle travaille dans un laboratoire de circuits intégrés. Puis, elle déménage à Neuchâtel car son ami fait sa thèse à l’Institut de Microtechnique de Neuchâtel (IMT). Elle réalise un post-doctorat à l’EPFL, entre le laboratoire de systèmes microélectroniques et le laboratoire d’architecture du processeur. En 2008, elle est engagée à la HE-Arc ingénierie. Une fois le français acquis, elle commence à enseigner pour la filière informatique de l’institution, orientation informatique industrielle et embarquée. Concernant les activités de recherche appliquée à la HE-Arc ingénierie, elle apprécie particulièrement la structure de groupes de compétences mis en place par Philippe Grize. En effet, de son point de vue, cette organisation renforce les collaborations entre les différents groupes qui répondent ainsi agilement aux besoins du tissu industriel. Notamment grâce à des mandats directs ou des projets Innosuisse. Depuis plus d’une année, elle dédie une partie de son temps au projet européen Bonseyes, une plate-forme qui vise à renforcer la place de l’Europe dans la course à l’intelligence artificielle. Interview
Comment est né le projet Bonseyes ?
L’idée de ce projet européen est née il y a deux ans. Il a été monté en étroite collaboration avec une entreprise vaudoise, nViso, grâce à une rencontre à Lisbonne dans le cadre d’un événement de réseautage organisé par le programme de recherche européen H2020 pour l’ICT (Information and Communication Technologies). nViso nous a proposé d’intégrer le consortium pour un projet d’envergure européenne H2020. C’était le premier projet européen H2020 pour la filière informatique de la HE-Arc ingénierie. Ça a été une chance incroyable d’être intégré dans un consortium de cette taille, composé de 14 partenaires, dont la moitié issue du privé et l’autre moitié de la recherche.
Le projet a démarré en décembre 2016. Trois groupes de compétences ont été impliqués : le groupe systèmes informatiques embarqués, le groupe d’imagerie et celui de technologies d’itération.
Mais le projet ne s’arrête pas là. Nous venons de déposer une deuxième demande H2020 pour un projet à 20 millions, avec 64 partenaires européens.
Comment le projet Bonseyes va-t-il renforcer l’accès à l’intelligence artificielle (IA) en Europe ?
Actuellement, les grands acteurs de l’intelligence artificielle sont Google, Facebook, Netflix etc. Ils ont la capacité de récolter des informations partout (Big Data) et du coup de nourrir des algorithmes afin d’avoir des modèles d’IA très puissants. Une petite entreprise européenne à elle seule, n’aura jamais assez de données pour faire face aux GAFAs. Avec Bonseyes, nous proposerons une place de marché (market place) où les différentes entreprises et instituts de recherche pourront mutualiser leurs données, leurs modèles, leurs méthodes d’apprentissage, leurs implémentations et leurs connaissances.
Bonseyes essaie de trouver une solution à un autre challenge : celui du traitement des données récoltées grâce à l’internet des objets (IoT) ?
En effet. Dans le cas idéal, les données récoltées sur internet par exemple, sont traitées avec des machines puissantes. Or, de nombreux IoT, comme la voiture autonome, sont basées sur des dispositifs embarqués (edge device), intégrés directement sur la voiture dans ce cas-là. Or les algorithmes très puissants utilisés actuellement dans le Big Data ne peuvent pas tourner sur ces dispositifs limités en énergie, capacité de calcul et mémoire. Du coup, le projet Bonseyes cherche à développer des modèles pouvant être déployés de manière optimale sur ces dispositifs autonomes, avec des contraintes en temps réel.
Pourquoi avoir orienté le projet sous l’angle des systèmes embarqués (edge computing) ?
Un système embarqué se situe à la frontière entre le réseau de données et le dispositif. Il donne une capacité de traitement de l’information à un objet qui en est à la base dépourvue, comme un microphone par exemple. En associant un système embarqué intelligente directement sur l’objet, l’information peut être traitée directement « sur place », sans être envoyée plus loin, sur un serveur central par exemple. La confidentialité des données est ainsi garantie, spécialement quand il s’agit des images ou vidéos.
Comment allez-vous répondre au challenge des ressources limitées en énergie sur les systèmes embarqués ?
Pour rester connecté et éviter de problèmes liés à l’échauffement des composants, un système embarqué doit consommer le moins possible. La consommation d’énergie peut être limitée au niveau matériaux, grâce à des composants peu gourmands. Mais il peut l’être également au niveau logiciel : plus un algorithme est simple, moins il demandera d’énergie. À nous les ingénieurs en informatique embarquée de le rendre le plus efficace possible, sans perdre en puissance d’analyse et en précision.
Vlad Magdalin