Portrait de Philippe Potty
Responsable du groupe dispositifs médicaux à la He-Arc ingénierie
Philippe Potty – Responsable du groupe dispositifs médicaux
Habite à Neuchâtel, a grandi à Liège (Belgique)
Philippe Potty enseigne à la HE-Arc Ingénierie depuis septembre 2019. Avant d’occuper ce poste, il a réalisé une carrière dans l’industrie des dispositifs médicaux, dans de grandes sociétés telles que Guidant, St Jude Medical ou encore Medtronic. Il est passionné d’aviation, de voile et de ski.
Quelles ont été les premières étapes de votre parcours professionnel ?
J’ai tout d’abord travaillé chez Guidant, spin-off de Eli Lilly. C'était une petite entreprise mais avec de gros atouts technologiques. En effet, entre ses murs avait été développé le défibrillateur automatique implantable. J’ai été engagé chez eux pour travailler sur une thérapie appelée la resynchronisation cardiaque. Ce traitement est basé sur un dispositif basé sur un pacemaker. Les patient-e-s souffrant d’insuffisance cardiaque systolique ont couramment deux troubles de synchronisation, souvent suite à un infarctus du myocarde : d’une part entre les oreillettes et les ventricules du cœur ; d’autre part entre les contractions des deux ventricules. La performance cardiaque est réduite et le / la patient-e ressent beaucoup de symptômes, liés à cette diminution de sang oxygéné dans l’organisme. Les organes fonctionnent moins bien ce qui provoque, par exemple, une réduction de la capacité fonctionnelle, des insuffisances rénales, des troubles cognitifs ou du diabète. La thérapie consiste, par de la stimulation électrique, à resynchroniser la contraction cardiaque. Elle est couplée à un traitement médicamenteux. J’ai contribué à la dissémination de cette thérapie pendant une dizaine d’années (recherche clinique, développement produit et vente). Malgré les très bonnes publications et les excellents résultats chez la majorité des patient-e-s, la confiance du corps médical restait à établir.
J’ai ensuite travaillé pour St. Jude Medical, depuis racheté par Abbott. Mon rôle consistait à développer cette même thérapie au niveau européen. J’ai notamment investi une énergie considérable à la création de formation pour les médecins spécialistes et pour les employés en charge du support clinique. C’est comme cela que j’ai ensuite pris la tête du département de formation des thérapies de neuromodulation chez Medtronic, dont le centre de formation et le siège européen sont à Tolochenaz (Vaud). J’ai pu travailler sur des traitements très différents par exemple pour les patient-e-s atteint-e-s de douleur chronique, de la maladie de Parkinson, de spasticité ou encore de troubles obsessionnels compulsifs. Ces traitements sont particulièrement intéressants car ils nécessitent une approche multidisciplinaire. J’ai pu collaborer aussi bien avec des anesthésistes, que des neurologues ou des psychologues. L’expérience montre que ce type d’approche produit le meilleur résultat pour les patient-e-s.
Puis je suis parti à Baar (Zoug, CH), pour prendre en charge le “Cardiac Rythm Management” et l’électrophysiologie. Le poste englobait de nombreuses dimensions comme les stratégies marketing, le marketing clinique, le lancement de produits, la formation pour l’Europe de l’ouest et le Canada, tout en gérant l’opérationnel. J’étais face à de nombreuses régulations, systèmes de remboursement ou encore courants de pensée au sens médical.
Enfin, lorsque cette place de professeur a été ouverte à la HE-Arc ingénierie, je me suis dit que c’était l’opportunité de revenir sur Neuchâtel et de partager ce que j’avais appris pendant mes 20 ans de carrière dans l’industrie médicale.
Quelles sont vos idées pour commercialiser les recherches développées à la HE-Arc ?
La He-Arc a deux grandes missions. Tout d’abord l’enseignement. Comme l’enseignement se nourrit de la recherche, afin de rester à un niveau de performance crédible dans les dispositifs médicaux, il est évident que nous devons faire de la recherche dans ce domaine. Nous sommes une HES avec les ressources et moyens correspondants. Par contre, nous pouvons nous appuyer sur un savoir-faire solide et historique en microtechnologie. Dans notre deuxième mission, nous voulons soutenir les startups et les petites sociétés à développer des prototypes. En effet, ces organisations n’ont pas forcément la bonne machine à disposition ou les compétences spécifiques nécessaires dans certains domaines. Dans ces cas-là, nous sollicitons régulièrement les outils d’aide à la recherche comme Innosuisse. La HES-SO soutient également financièrement des projets créés directement dans les départements de l’école ou entre deux HES.
De plus, le groupe de compétence dont je suis responsable, les dispositifs médicaux, peut s’appuyer sur le groupe d’ingénierie horlogère (miniaturisation) ou le groupe ingénierie des surfaces (biocompatibilité) ou encore celui des systèmes informatiques embarqués (électronique), ceci afin d’offrir l’approche multidisciplinaire que je mentionnais avant.
Pourquoi l’orientation microtechnologies et électronique de la filière Microtechnique a-t-elle évolué spécifiquement vers les dispositifs médicaux ?
La direction de l’école a réalisé que les dispositifs médicaux étaient un axe de développement stratégique. De nombreuses sociétés installées sur l’axe jurassien fabriquent de petits dispositifs médicaux ou leurs composants. Ainsi l’école soutient mieux le tissu industriel local. La miniaturisation est la pierre angulaire de notre savoir-faire. Dans la fabrication de microcomposants et de dispositifs médicaux, il y a encore beaucoup de découvertes à faire (électronique souple, encapsulation, nouveaux matériaux, microfluidique, matériaux résorbables afin d’éviter une deuxième opération de retrait, etc.).
Je pense que nous devons encore mieux écouter les médecins et leurs besoins, avant de développer une nouvelle technologie. Le médecin peut vraiment guider la réflexion de l’ingénieur vers la finalisation de l’outil. Le médecin sait ce qu’il faut créer, l’ingénieur-e sait comment le réaliser.
La vision de l’orientation microtechnologies et électronique sur 10 ans ?
La vision du futur est d’équiper d’ici 10 ans, les cantons de l’arc jurassien d’une institution focalisée sur les dispositifs médicaux, reconnue pour la qualité d’exécution de ses deux missions fondamentales :
- l’enseignement ;
- la recherche appliquée.
Les ingénieur-e-s formé-e-s dans ce domaine à la HE-Arc offriront des connaissances et compétences du meilleur niveau aux sociétés locales, contribuant fortement à leurs bonnes performances et leur croissance. Les groupes de recherche de la HE-Arc contribueront intensément aux avancées technologiques et au développement des nouveaux produits de ces entreprises, de la start-up à la grande société internationale.
Vlad Magdalin